Appartenant aux castes les plus basses, les intouchables durent pendant des siècles se conformer à des interdits très stricts : proscrits des temples, ils devaient vivre à l’écart, mendier leur nourriture, garder leur poitrine découverte et subir, sans mot dire, insultes et humiliations. Leur ombre, disait-on même parfois, polluait les passants.
Officiellement condamnée par la Constitution indienne, l’intouchabilité — de nombreux faits divers sanglants en témoignent — est pourtant loin d’avoir disparu. Les intouchables — aujourd’hui au nombre de cent quarante millions — sont encore considérés comme impurs, souillés par la mort, les démons et les déchets et, maintenus en marge de la vie collective, sont ainsi souvent balayeurs, fossoyeurs, éboueurs, tanneurs…
Robert Deliège, dans ce grand ouvrage de synthèse, analyse les fondements sociaux et religieux de cette discrimination, puis décrit la vie actuelle des intouchables, le regard qu’ils portent sur eux-mêmes et l’ambiguïté de leur situation. Retraçant l’histoire de leurs tentatives d’émancipation, l’auteur s’interroge enfin sur leur avenir dans la société indienne. Par son ampleur et sa longévité, le phénomène de l’intouchabilité constitue un cas unique d’exclusion sociale dans l’histoire de l’humanité.
Robert Deliège est professeur d’ethnologie à l’Université de Louvain.